décès 2018 - Jean Devaux

photo de Cyrille Noël

Les pirates du Mayumbe perdent leur père

1927 – 2018

Ce Nivellois de naissance était spécialement doué, car après son ordination, il avait continué une formation en mathématiques à Leuven : s’il n’avait pas 20 sur 20, il estimait qu’il avait échoué. Au Petit Séminaire de Mbata Kiela et ensuite à Kangu lorsqu’il enseignait, il entrait habituellement en classe sans aucun manuel : tout dans la tête.

Après quelques années à l’École secondaire de Kangu, il commença à s’intéresser de plus en plus aux élèves qui étaient obligés de quitter l’internat faute de moyens financier. Il abandonna l’enseignement pour créer un internat alternatif pour les plus défavorisés dans de très vieux bâtiments scolaires un peu à l’écart du site de Kangu. Au début, quelques étudiants de l’ESEKA qui n’avaient pas les moyens de payer un internat officiel étaient accueillis par Jean pour les repas, l’étude et passer la nuit. Tout doucement, le projet pris forme : groupés en patrouilles de grands et de petits comme chez les scouts, Jean les suivait de façon personnelle, quel que soit l’année scolaire : français, géographie, histoire, sciences ou mathématiques.

Mais si la révision des cours était importante, le travail manuel en équipes l’était aussi car il faut travailler de ses mains pour vivre. Au fur et à mesure des années, un immense potager fut aménagé ainsi qu’une plantation de bananier, des champs d’arachides, de manioc et un peu de pisciculture. Jean ne ménageait pas ses peines, car il était avec eux pour soigner les cochons, poules, construire des enclos et tout doucement réparer les vieux murs et les tôles.

Mais comme partout dans le monde, on sait que l’agriculture familiale ne peut subvenir à tous les besoins : cahiers, bics, minerval, uniformes, médicaments, achat de tôles….. C’est grâce à des bienfaiteurs étrangers que les efforts surhumains - on peut le dire - de ceux qu’on appelait alors « les pirates » ont pu stabiliser le projet.

Éducateur né, Jean ouvrait aussi ses élèves au monde : après avoir écouté les nouvelles à la radio, il leur expliquait l’essentiel des événements pour leur faire savoir ce qui se passait en dehors de l’école et de leur internat. Mais toutes ces attentions délicates n’empêchaient pas une sévérité ferme, aussi bien pour la révision des cours que pour le travail manuel et la discipline. Il visait loin, car il aurait même voulu que l’école secondaire adapte les horaires des cours à la chaleur du jour afin de faciliter le travail des champs. Bel idéal, mais irréalisable dans notre monde.

Plusieurs de ces élèves au Petit Séminaires sont devenus Scheutistes et même un de ses pirates. D’autres ont réussi des études universitaires et occupent aujourd’hui des postes importants. Lors de la cérémonie d’adieu à Scheut, plusieurs prêtres et une religieuse du diocèse de Boma étaient présents en signe de reconnaissance, ainsi qu’un ancien pirate qui est venu témoigner de sa gratitude.

De là-haut, Jean peut continuer à encourager ses protégés, car malgré l’absence de soutiens financiers venus de l’extérieur, des anciens pirates encadrent les nouveaux, avec certes des modifications, car un père fondateur est irremplaçable.

Géron Hubert et Jean Peeters

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