news 2020 - Une compagnie allemande a volé leurs terres
Depuis des années, plusieurs villages ugandais essayent d'être dédommagés pour avoir été expulsés de leurs terres, maisons détruites ainsi que l'hôpital et l'église :
Afrique, s’il te plait réveille-toi
Publié par Odile Ntakirutimana AEFJN 03 mars , 2020 (Réseau d'Institut religieux missionnaires dont CICM fait partie)
En août 2001, les habitants des villages de Kitemba, Luwunga, Kijunga et Les Kiryamakobe (environ 4 000
paysans) du district de Mubende en Ouganda étaient violemment expulsés
de leur terre ancestrale de 2 524 hectares qu’ils habitaient depuis des
années. L’armée ougandaise les a forcés à quitter leurs locaux parce que
l’Autorité ougandaise pour l’investissement (UIA), organisme
parapublic, voulait le louer au KCP (Kaweri Coffee Plantation), une
Filiale à 100% de la NKG (Neumann Kaffee Gruppe) basée à
Hambourg/Allemagne. L’expulsion a été décrite par les personnes
expulsées comme particulièrement cruelle. Les habitants étaient menacés
et forcés de partir sous la menace d’une arme et plusieurs des personnes
expulsées ont été battues et meme d’autres y ont perdu leurs vies. Les
habitants ont vu leurs maisons, leurs plantations de café et de maïs et
tous leurs biens brûlés par les soldats.
Cette destruction a inclus une clinique privée entièrement équipée de la communauté et six églises.
Plus de 2000 personnes ont été forcées de
laisser derrière eux toutes leurs modestes possessions. Aucune des
victimes n’a reçu de compensation, ni pour la perte de leurs terres, ni
pour l’état d’extrême urgence qu’ils subirent dès l’expulsion.
Néanmoins, NG affirme avoir contribué à garantir le paiement des
indemnités en versant une partie du bail à l’avance et en exigeant de
voir les reçus des paiements d’indemnités – un tel engagement allait
bien au-delà des obligations légales de l’entreprise car selon la loi
ougandaise, le paiement d’une indemnité en cas de relocalisation est de
la responsabilité exclusive du vendeur du terrain en question, il n’est
ni de la responsabilité de l’acheteur ni de celle du preneur à bail.[1]
Ceci veut dire que c’était la responsabilité du gouvernement. Mais cela
n’excuse pas pour autant NG parce qu’il aurait dû se rendre compte qu’il
y a eu des irrégularités et qu’il occupe un terrain à litiges.
Ces habitants expulsés ont engagé une
lutte pacifique pour que justice soit faite ; ils ont entrepris des
démarches judiciaires contre le gouvernement ougandais et Kaweri Coffee
Plantation Ldt. Cependant, à de trop nombreuses reprises, la procédure
judiciaire a été retardée, parfois à cause de manœuvres douteuses. Il
est également très difficile de poursuivre la société mère allemande
Neumann Kaffee Gruppe: «Il est encore aujourd’hui quasiment impossible,
dans le système juridique allemand, de poursuivre une société allemande
pour les violations des droits de l’Homme commises hors du pays. Le
système légal allemand est à la traîne et ignore certaines réalités
économiques et les violations de droits humains qui y sont liées »[2].
Les lacunes du système légal allemand ne suffisent pas pour excuser les
violations que ses entreprises commettent en dehors de son territoire.
Et pourtant «c’est seulement en adoptant des lois appropriées qu’il sera
possible de forcer les multinationales telles que Neumann à reconnaître
leurs responsabilités et à y remédier dans des cas comme Mubende.»
Les expulsés doivent être compensés et
les terres illégalement prises doivent leur être restituées ! Il est
scandaleux que plus de 10 ans après l’expulsion, ni Kaweri et Neumann,
ni le gouvernement ougandais, n’ait accordé la moindre compensation aux
expulsés » conclut Gertrud Falk. FIAN continuera ses actions annuelles
afin de rendre publique cette injustice et ce, jusqu’à ce que les
expulsés soient dédommagés et leurs droits respectés. Jusqu’en décembre
2019, rien n’avait changé dans cette situation. Le porte-parole des
victimes M. Baleke Kayiira Peter porte-parole des plaignants s’est
engagé à garantir que les personnes expulsées soient entièrement
indemnisées pour l’expulsion perpétrée illégalement par l’armée
ougandaise.[3] Mais il n’a cessé de faire objet d’intimidations de la
part des autorités. Le 16 décembre 2019, peu après avoir assisté à une
audience du tribunal concernant les expulsions dans le district de
Mubende en 2001, M. Baleke, a été détenu sans mandat d’arrêt et il a dû
passer près d’un mois en détention. Libéré le 10 février 2020, sa
sécurité est toujours menacée : « Ma liberté et ma vie sont toutes deux
imprévisibles« , a-t-il regretté après sa libération.[4]
Il est temps si pas tard que le
gouvernement ougandais trouve la solution à ce problème. Il a ratifié
plusieurs traités internationaux de base sur les droits humains. La
situation à Mubende est une violation les lois internationales et
nationales, en particulier celles qui reconnaissent les droits de
l’homme à une alimentation adéquate, à l’eau, au logement, à la santé, à
l’éducation, à une procédure légale régulière et à l’accès à un recours
et à réparation des victimes. Il ne peut pas continuer à opprimer son
peuple au nom des intérêts égoïstes sous couvert de développement. En
2015 le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations
unies (CESCR) appelait l’État ougandais à prendre des mesures immédiates
pour garantir que les droits des personnes expulsées de force du
district de Mubende soient rétablis.[5]
Le cri de ces gens doit être entendu : «Vous construisez des plantations de café ultramodernes, vous récoltez
sur nos terres, votre économie en Allemagne s’élève de plus en plus aux
dépens des habitants, nous étions des seigneurs avant que vous ne nous
envahissiez, nous avons perdu des frères, des sœurs aînés, nos
conditions sanitaires empirent tous les deux jours, vous nous avez
promis des compensations, vous nous avez promis des écoles, 20 ans plus
tard, nous attendons toujours, et pourtant vous avez réalisé des
milliards de chiffre d’affaires sur nos terres. Nous n’avons personne à
qui crier, notre gouvernement nous a depuis longtemps abandonnés»[6]
Odile Ntakirutimana
AEFJN Policy Officer